Hommages pour l’anniversaire du décès de Gaston Litaize (1909-1991)

Gaston Litaize
crédit : collection privée

30ème anniversaire de la mort de Gaston Litaize (1909-1991)

Nous commémorons le 5 août 2021, le 30ème anniversaire de la mort de Gaston Litaize.

Gaston Litaize est né dans les Vosges ; il s’est éteint dans sa région, à quelques kilomètres d’Epinal, le 5 août 1991.

Organiste, improvisateur, professeur et compositeur, il est l’un des organistes français les plus marquants du XXème siècle. Titulaire de l’orgue de l’église parisienne Saint-François-Xavier pendant 45 ans, il fut aussi professeur au conservatoire de Saint-Maur-des-Fossés où il a formé et marqué toute une génération d’organistes de talent.

A l’occasion de l’anniversaire de sa mort, Orgue en France a demandé à deux de ses élèves prestigieux de lui rendre hommage.

 

Hommage à Gaston Litaize – Olivier Latry.

Gaston Litaize nous a quittés il y a tout juste trente ans. Et pourtant, le fait d’évoquer son nom fait ressurgir instantanément en nous de nombreuses images. Tour à tour émouvantes, cocasses, exaltantes, énergisantes, elles alimentent le souvenir d’une personnalité haute en couleurs, qui en aucun cas ne laissait indifférent.

Gaston Litaize aimait la vie, jusqu’à en narguer la mort. Lors de l’un de ses coups de fils quotidiens, il me dit d’emblée, d’un ton enjoué : « Allo, Olivier, que dirais-tu si je jouais ta messe d’enterrement ? » Ce à quoi je m’empressais de lui répondre que je n’étais guère pressé d’aller voir de l’autre côté… « Mais tu peux mourir à 90 ans ! J’en aurai 143, et alors ? »

Il avait confié à l’un de ses amis, peu avant son décès : « Ce n’est tout de même pas un déshonneur de mourir à 82 ans ! ». Mais il est clair qu’il aurait préféré être immortel…

Car il aimait la vie, et la faisait partager, par son enthousiasme et son énergie communicatifs, à son entourage proche, dont nous étions ; les élèves faisaient partie de « sa » famille. Et son temps n’était pas compté dès qu’il s’agissait de musique, dès qu’il s’agissait de nous.

Quelle générosité à notre égard ! Quelle bienveillance ! Trente ans après sa disparition, je mesure encore davantage la chance qui fut la mienne d’avoir croisé ses pas.

Olivier LATRY
Professeur d’orgue au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris
Organiste titulaire du grand orgue de la cathédrale Notre-Dame de Paris

 

Hommage à Gaston Litaize – Eric Lebrun.

J’ai rencontré Gaston Litaize en août 1988 sur les conseils de ma future épouse, Marie-Ange Leurent. Il m’avait donné rendez-vous chez lui, rue Mayet. Notre premier contact fut extrêmement chaleureux. Je n’oublierai jamais son écoute attentive, son attitude bienveillante : en quelques minutes, il m’avait accordé sa confiance, sans réserve, ce qui n’était pas rien quand on connaissait l’aura et l’incroyable carrière de ce musicien hors-norme.

Il aimait la jeunesse, observait avec intérêt (j’allais dire avec « gourmandise ») les innovations, les « inventions » de celle-ci. Quelquefois, il me faisait part d’idées qui lui avaient été données par ses propres élèves et je n’en revenais pas de voir un homme qui faisait l’admiration de ses pairs depuis plus d’un demi-siècle se référer à tel ou tel organiste de ma génération. En fait, j’ai assez vite compris que la structure de l’artiste était restée la même, solide, depuis les années 20, mais qu’elle s’enrichissait des apports des autres, car Gaston Litaize, sûr de ses idées, savait aussi se montrer ouvert. En lui s’incarnait un art de l’orgue qui s’enracinait chez ses maîtres Vierne, Tournemire, Dupré, et qui avait assimilé aussi celui de Marie-Claire Alain, Michel Chapuis ou même André Isoir et de leurs disciples.

Son enseignement était recherché et le nombre de ses élèves est proprement incroyable. C’est qu’il reposait sur des fondamentaux très compréhensibles. Il exigeait un jeu clair, une pensée structurée qui se traduisait notamment par une registration bien pensée, un toucher maîtrisé, de près, un phrasé naturel ; il se réjouissait de tout ce qui pouvait amener un supplément d’âme, par la couleur, la conduite de voix, et ce je ne sais quoi qui fait qu’une interprétation vous gagne dès les premiers instants. Il admirait par exemple le toucher inimitable de Marie-Claire Alain qui fut son élève. Et puis il avait une merveilleuse oreille qui faisait de lui un conseiller extrêmement précieux. Sa pédagogie pouvait en fonction de nos besoins brasser des nécessités concrètes de notre métier : interprétation, accompagnement, improvisation, chant grégorien, aspects pratiques d’une carrière. Il aimait rappeler qu’il fallait être non seulement doué et travailleur mais aussi intelligent (c’était pour lui fondamental) et artiste.

Toujours positif, vivant, dionysiaque, doué d’une extraordinaire force intérieure, due entre autres à sa cécité que l’on finissait par oublier, Gaston Litaize était aussi un véritable ami en dépit de nos différences d’âge. Il savait être formidablement drôle et sa prodigieuse mémoire nous permettait de revivre au présent les moments passés jadis auprès de ses maîtres. Combien de fois m’a-t-il cité telle remarque, telle réaction de Tournemire ou de Vierne alors que je jouais leurs œuvres…

Avec le recul, je mesure encore plus la chance d’avoir pu côtoyer un être aussi passionné et passionnant. Auprès de lui, une grande leçon de vie qui nous a été offerte. Gaston Litaize était un vivant trait d’union entre plusieurs mondes.

Eric LEBRUN
Professeur d’orgue au Conservatoire à rayonnement régional de Saint-Maur-des-Fossés
Organiste titulaire du grand orgue de l’église Saint-Antoine-des-Quinze-Vingts à Paris

 
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