Cinquantième anniversaire de la mort d’Alfred Desenclos (1912-1971)

Prix de Rome 1942
Rolande Falcinelli,
Alfred Desenclos,
Raymond Gallois-Montbrun.

Concours de Rome 1938,
Château de Fontainebleau.

Le 3 mars 1971 disparaissait Alfred Desenclos, à l’âge de 59 ans.

Premier grand prix de Rome en 1942, Alfred Desenclos est plutôt perçu comme un compositeur de musique instrumentale dont les œuvres pour saxophone ou trompette, par exemple, sont jouées dans le monde entier. Sa messe de Requiem, créée à l’ORTF en 1965 dans sa version pour grand orchestre, a connu un regain de notoriété en 1997 lors de la parution de l’enregistrement du chœur les Eléments dirigé par Joël Suhubiette* dans sa version avec accompagnement d’orgue, la révélant d’emblée comme une œuvre majeure de la musique sacrée du XXème siècle. De très nombreux chœurs professionnels ou amateurs en Europe, Royaume-Uni, Etats Unis, l’ont depuis, inscrite à leur répertoire.
Photo Concours de Rome 1938 : De gauche à droite : André Lavagne, Simone Litaize (derrière), Gaston Litaize, Eliane Richepin, Alfred Desenclos, Raymond Gallois-Montbrun (derrière) et Henri Dutilleux (assis)
(Coll. Claude Pascal, avec son aimable autorisation) DR

Cette œuvre nous rappelle qu’Alfred Desenclos n’a jamais perdu le contact avec la musique sacrée et l’orgue depuis son arrivée à Paris en 1932 pour suivre les cours au Conservatoire. Pour gagner sa vie, il occupe alors le poste de maître de chapelle de Notre-Dame-de-Lorette, écrit la musique destinée aux offices dont il a la charge et tient l’orgue de chœur, jusqu’à la guerre de 39 où il sera mobilisé. Directeur du conservatoire de Roubaix de 1943 à 1950, il continue d’écrire de la musique liturgique pour certaines occasions, comme le Pater noster en mai 44 pour le mariage d’amis ou le Jam non dicam en mai 53 pour l’ordination d’un neveu. Il devait considérer toutes ces œuvres comme indépendantes de son activité de compositeur car elles sont restées inédites à l’exception de 3 œuvres a capella, Humble suite au cantique des créatures, éditée en 1956, Nos autem en 57, Salve Regina en 58.

Alfred Desenclos – 1967.

Alfred Desenclos était très bon pianiste, il jouait quotidiennement Schumann, Ravel ou Debussy qu’il révérait, mais il lui arrivait aussi de jouer de l’orgue l’été, vers 1957-1960 quand il remplaçait Jean Vadon, l’organiste de Saint-Jean-de-Montmartre. Cependant, il n’aura écrit qu’une seule pièce d’orgue, à usage pédagogique, un Prélude et Fugue (1950) pour un examen au conservatoire de Lille.

Ainsi, la Messe de Requiem est elle le point d’aboutissement de son approche de la musique sacrée avec orgue. Annoncée dès 1956, il en écrit la majeure partie en 1963, puis elle sera éditée, dans les 2 versions, chez Durand en 1967. Le 18 mai 2001, l’œuvre est intégralement jouée à Atlanta sous un autre nom de compositeur (!) mais le plagiat est découvert car un membre de l’assistance venait de la chanter peu de temps avant et a immédiatement dévoilé l’imposture ; cette affaire a déclenché un scandale retentissant (au point de faire l’objet d’un article très long et très détaillé de Philip Kennicott dans le Washington Post du 7 juin) qui a très certainement contribué à faire connaître encore davantage cette œuvre dans tous les Etats-Unis.

Frédéric Desenclos




Fils d’Alfred Desenclos, Frédéric Desenclos a étudié l’orgue avec Gaston Litaize et André Isoir. Organiste à la Chapelle Royale du Château de Versailles, il est également professeur d’orgue au conservatoire d’Orléans.

 
 
 
* Depuis, au moins 2 autres enregistrements sont parus :
– avec le Choir of King’s College London, sous la direction de David Trendell ;
– avec le Vlaams Radiokoor, sous la direction d’Hervé Niquet.

En 2009, 8 pièces pour voix et orgue ont été éditées chez la Sinfonie d’Orphée.

 
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Rencontre régionale à Montpellier (Hérault)

Projet du buffet d’orgue du Temple Maguelone
à Montpellier. Crédit : archipat 2020.

Samedi 6 mars de 10h à 12h

Comme en 2020, le programme des rencontres régionales de 2021 est affecté par la situation sanitaire.

La première d’entre elles aura lieu le samedi 6 mars de 10h à 12h et sera consacrée à ce qui était initialement prévu ce jour-là à Montpellier : la présentation du projet d’orgue neuf dans le Temple Maguelone. Seront présentés, la genèse de cette opération, les objectifs, le financement et le projet détaillé avec dessins et plans. D’autre sujets seront également abordés comme c’est le cas lors des rencontres régionales d’Orgue en France.

Participeront à la réunion Michel Dautry, président de l’association des amis de l’orgue du Temple Maguelone de Montpellier, l’architecte Martin Bacot, concepteur du buffet et le facteur d’orgues Pascal Quoirin, qui construit l’instrument.

Les personnes intéressées peuvent s’inscrire dès à présent en adressant un mail à l’association (contact@orgue-en-france.org). Elles recevront le lien Zoom permettant de suivre cette visioconférence.

Par ailleurs, des questions peuvent être préalablement envoyées ; il y sera répondu au cours de la rencontre.

 

Les prochaines visioconférences sont prévues à Royan (13 mars) puis Sanary (10 avril). Les informations seront communiquées d’ici là.

 
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Le centenaire de Jeanne Demessieux.

Jeanne Demessieux

Le 13 février 2021 marque les cent ans de la naissance de Jeanne Demessieux.

Pour le monde de l’orgue, Jeanne Demessieux est connue à la fois comme une virtuose extraordinaire et comme l’organiste de la célèbre tribune parisienne de la Madeleine. Sa paraphrase sur le Te Deum et quelques-uns de ses chorals-préludes sont souvent joués. Ses Six Études sont à juste titre, réputées pour leurs difficultés techniques.

Dans les années 1990, j’étais jeune étudiant en classe d’orgue à Stockholm, et j’avais lu un article sur la vie de la musicienne au titre poétique “Jeanne Demessieux – Le Paganini oublié de l’orgue”, un article signé de Mark Fahlsjö, grande personnalité de la radio suédoise. L’histoire de cette vie à la carrière météorique s’arrêtant soudainement et tombant dans l’oubli m’avait alors beaucoup impressionné, tout en me paraissant extrêmement mystérieuse ! D’autant plus qu’il n’y avait pas vraiment d’autres sources d’informations disponibles à l’époque ; c’était la préhistoire de l’internet et je n’avais pas accès à ses enregistrements ni aux personnes qui auraient pu la connaître.

Quelques années se sont ensuite écoulées, et pour d’autres raisons j’ai été amené à étudier l’orgue à Paris au début des années 2000. Là non plus, étrangement, personne ne semblait la connaître autrement que par son nom. C’est à ce moment que, peut-être par l’intervention du l’Esprit-Saint, je me suis vu nommé organiste titulaire de l’église du Saint-Esprit en 2005. Quand je l’ai annoncé par téléphone à Rolande Falcinelli, mon mentor et guide, elle s’est exclamée “Ah, mais n’est-ce pas l’église où Jeanne était organiste ?”.

Effectivement, Jeanne Demessieux a été organiste titulaire à l’église du Saint-Esprit entre 1933 et 1962. La construction de l’église avait été entamée en 1928 et s’est terminée autour de 1934. Les premières années, les messes étaient célébrées dans la crypte. Un paroissien avait indiqué au curé, le père Fer de la Motte, qu’il y avait une famille installée rue Docteur Goujon dont la fille jouait du piano et était très douée. Jeanne Demessieux avait alors 12 ans et a donc commencé à accompagner les messes dans la crypte, sur l’harmonium Alexandre qui se trouve toujours sur place. L’orgue de chœur, conçu sur un plan d’Albert Alain par Gloton-Debierre, installé un peu plus tard, fut inauguré en décembre 1934 par Jehan Alain. Pendant presque trente ans, Jeanne Demessieux va accompagner les messes sur cet instrument en attendant le grand orgue qui manque toujours à l’heure actuelle.

Mon arrivée en 2005 survient 43 ans après son départ. Heureusement il y a encore des gens qui ont eu la chance de connaître Jeanne Demessieux et qui ont des souvenirs à me raconter. Ils me dressent un portrait très sympathique de cette musicienne extraordinaire.

Mon premier curé Jacques Hadengue se rappelle que lorsqu’il était jeune prêtre, le curé de l’époque, père Fer de la Motte, disait pour la sortie ; “Jeannette vous me ferez un peu de fugue après n’est-ce pas ?” Ou lorsque des jeunes mariés ayant demandé une certaine musique pour leur mariage, constataient que Jeanne Demessieux leur avait joué complètement autre chose, personne n’y trouvait rien à redire car tous l’aimaient bien. Il semble qu’elle participait vraiment à la vie de la paroisse. Elle était particulièrement émue par les baptêmes qui, disait-elle, la “rendait croyante”. Les paroissiens qui faisaient partie de la chorale et chantaient en grégorien à ses côtés à la tribune me racontent qu’il y avait souvent des visiteurs à l’orgue, et Jeanne Demessieux les prévenait en leur disant ; “Chantez bien maintenant ! Le monsieur là-bas c’est Maurice Duruflé” ou “Messiaen” ou “Dupré”, ou quelque autre célébrité du monde de l’orgue.

Un autre paroissien m’a donné un jour une déclaration pour la sécurité sociale qu’il avait faite pour Jeanne Demessieux, après qu’elle avait eu un accident de “glissade sur la neige” sur l’avenue Daumesnil en allant à l’église.

Hormis ces anecdotes, je n’en sais pas plus quinze ans plus tard. Malgré le peu d’années écoulées, la rupture avec cette époque semble totale, et Jeanne Demessieux paraît à la fois proche et éloignée dans le temps.

Mais après la pluie vient le beau temps, et aujourd’hui je me réjouis d’accueillir des jeunes organistes, très intéressés par les vies et œuvres non seulement de Jeanne Demessieux, mais aussi de Rolande Falcinelli et de Jean Guillou. Avec un certain recul, ces trois organistes-compositeurs forment, peut-être grâce à leurs différences, un trio assez uni finalement dans leur quête de pousser la composition et la technique de l’instrument encore plus loin qu’avait pu le faire leur maître Marcel Dupré.