Sécuriser et préserver un orgue

Sécuriser et préserver un orgue

 

Cette fiche technique est distincte de la fiche « Entretenir un orgue » qu’il est recommandé de consulter sur le site d’Orgue en France :  entretien d’un orgue

 

Sommaire

 

Préambule

Sécuriser l’accès à l’instrument

Fonctionnement de l’édifice

Travaux et installations dans l’édifice

Assurer l’instrument contre les sinistres

Expertise de dégâts suite à des travaux ou à des sinistres

Le chauffage

Annexe 1 Documentation
Annexe 2 Législation et jurisprudence sur l’affectation cultuelle

 

Préambule

Un orgue à tuyaux est une œuvre d’art d’une grande valeur. La bonne préservation et la pérennité de l’instrument nécessitent qu’il soit joué en toutes saisons afin que l’ensemble de ses mécanismes soient mis en mouvement régulièrement.

Comme tout instrument de musique et tout meuble, il doit aussi « respirer ». Un orgue situé dans un édifice peu utilisé, voire fermé pendant plusieurs semaines, est alors confiné dans un lieu dont la température et l’hygrométrie peuvent nuire à sa préservation. Cette situation se trouve aggravée du fait de la fermeture de nombreux édifices cultuels rarement ventilés. D’autre part, une exposition fréquente à des courants d’air chauds ou froids, à des variations brutales de température ou d’hygrométrie, peut être néfaste.

 

Sécuriser l’accès à l’instrument

Accès à la tribune

Dans de nombreux édifices l’escalier menant à la tribune conduit aussi au clocher ou à d’autres parties de l’édifice. En conséquence, des employés de services municipaux, des ouvriers d’entreprises, empruntent cet accès pour des visites d’entretien et toutes sortes de travaux (cloches, électricité, toiture, etc.).
Les portes d’accès à la tribune doivent être équipées de serrures et fermées à clés.
En cas de problème, il est nécessaire de connaître le nom des personnes qui ont emprunté ce chemin.

Accès à l’intérieur de l’orgue

Les portes et panneaux permettant d’accéder à l’intérieur de l’orgue doivent être maintenus fermés. Aucun tiers, excepté le facteur d’orgues chargé de l’entretien ou une personne qualifiée reconnue des parties (propriétaire, clergé affectataire, facteur d’orgues), ne doit pénétrer à l’intérieur de l’orgue.

Qui a les clés de la tribune et de l’orgue ? Qui donne les clés ?

Conformément à la loi de séparation des Eglises et de l’Etat et aux différentes jurisprudences s’y rapportant, le clergé affectataire assure la « conservation de l’immeuble et de ses biens ». Au même titre que l’édifice, la tribune et l’orgue sont affectés à l’exercice du culte.

Pour ce qui concerne l’église catholique, la charte des organistes, validée par la Conférence des Evêques de France, indique :
« par délégation de l’affectataire,
a)L’organiste titulaire est responsable de l’instrument qui lui est confié.
En concertation avec l’affectataire, lui-même responsable de l’instrument à l’égard de l’autorité propriétaire, il fait en sorte que l’entretien et l’accord de l’orgue soient assurés. Il tient un cahier d’entretien, destiné au facteur d’orgues, sur lequel il signale tout dommage et toute anomalie de fonctionnement.
b) Il est, en outre, responsable de son utilisation par des organistes adjoints ou visiteurs. Toute demande d’activité autour de l’orgue ne peut se faire qu’en collaboration entre l’affectataire et l’organiste. »

En conséquence, l’organiste doit disposer des clés d’accès à l’édifice et à l’orgue.
Il peut confier celles-ci à tout(e) autre organiste en informant préalablement le clergé. Dans la mesure où il est hautement souhaitable que l’orgue soit joué régulièrement, l’organiste veillera à faciliter l’accès d’autres organistes à l’instrument : la venue d’un autre organiste peut aussi être bénéfique (utilisation différente de l’orgue, écoute et regard extérieurs sur l’instrument). Un des meilleurs moyens de préserver les orgues est de cultiver l’intérêt qu’ils éveillent chez les jeunes organistes, les organistes amateurs et professionnels, et les auditeurs.

S’agissant de la mise en route de l’orgue et des modalités d’utilisation, un document doit être disposé en permanence à la tribune.

Conformément à la charte des organistes, le clergé affectataire ne peut confier les clés de l’orgue à une personne étrangère sans concertation avec l’organiste.

Il ne relève pas de la commune ou de l’Etat, propriétaire de l’orgue, d’autoriser ou non la mise à disposition de l’instrument et d’en régler l’usage, puisque celui-ci est affecté à l’exercice du culte et que cette affectation est permanente (l’affectation ne se limite pas aux offices).

S’il n’y a pas d’organiste, la responsabilité incombe alors au clergé affectataire. Il lui appartient de prendre toute précaution avant de confier les clés de l’orgue, en veillant d’une part à mesurer les qualités de la personne qui sollicite l’accès à l’orgue, et, d’autre part, à inscrire sur le registre de clés le nom et l’adresse de cette personne. Dans certaines communes, en accord avec le clergé affectataire, les clés sont mises à disposition par les pompiers ou par la mairie : ces services réclament une pièce d’identité ; celle-ci reste en leur possession jusqu’à la restitution des clés.

Où sont les doubles des clés ?

Pour des raisons de sécurité (sinistre, incendie, etc.), un double des clés d’accès à la tribune et à l’orgue doit se trouver à la sacristie et/ou au presbytère.
Il peut être de bonne précaution qu’un double des clés de l’édifice et de ses accès (dont la tribune et l’orgue) soient en possession des pompiers, notamment s’il n’y a pas de prêtre résidant dans la commune ou pas de presbytère. .
Dans le cas contraire, il est utile que les services de la commune (lorsqu’elle est propriétaire de l’édifice et de l’orgue) aient connaissance de la personne qui est en possession des clés en cas d’intervention d’urgence, ce qui suppose de mettre en place une procédure qui facilite cet accès.

Le registre des clés

Dans le cas où l’accès à l’orgue est le même que celui qui conduit au clocher et à d’autres lieux fréquentés par des entreprises pour des travaux, il est utile de mettre en place un registre des clés.
Il peut être mis en place :

  • par le clergé affectataire, pour les clés déposées à la sacristie ou au presbytère (indiquer le nom et les coordonnées des personnes à qui les clés sont confiées avec date et heure)
  • par les pompiers et/ou la commune s’ils ont les clés (sous réserve de l’accord du clergé affectataire) avec les indications de remise des clés.

 

Fonctionnement de l’édifice

Dans de nombreux édifices cultuels, selon la zone climatique et les saisons, les portes sont ouvertes soit pour faire entrer de la chaleur, soit pour faire entrer de la fraîcheur.
Nombre de facteurs d’orgues et d’organistes constatent les dégâts provoqués par des ouvertures excessives ou intempestives (grand froid, forte chaleur, humidité ou sécheresse excessives, etc.).
Lors de cérémonies religieuses régulières (cérémonies dominicales) et occasionnelles (mariage, funérailles), les grandes portes d’accès à l’édifice sont ouvertes. Si l’on comprend la nécessité d’ouvrir les portes lors de cérémonies accueillant une assemblée importante, force est de constater qu’en plein hiver comme en plein été cela provoque brutalement une arrivée d’air froid ou d’air chaud et peut provoquer un choc thermique et/ou hygrométrique ; dans bien des cas l’orgue étant situé à proximité des portes principales (tribune à l’entrée de la nef par exemple) il en subit les conséquences surtout si les portes restent ouvertes plus que de besoin.

Pour la conservation de l’instrument, ainsi que du mobilier de l’édifice, il est donc important de veiller à ce que les portails et grandes portes ne restent pas ouvertes en permanence, ni pendant une période prolongée.
Les conséquences peuvent être multiples : le désaccord de la tuyauterie, la poussière, le déréglage de la mécanique, des cornements, l’assèchement des peaux, des problèmes d’étanchéité sur la soufflerie et l’alimentation en vent, des incidents sur les sommiers et sur la tuyauterie, etc.
La remise en état peut représenter plusieurs milliers ou dizaines de milliers d’euros selon la taille de l’instrument et la nature des dégâts.

 

Travaux et installations dans l’édifice

Les édifices cultuels font l’objet de travaux de toute nature. Ces travaux sont initiés par le propriétaire de l’édifice ou par le clergé affectataire. Ils peuvent avoir une incidence sur l’instrument :

  • allers et venues des ouvriers avec portes ouvertes, courants d’air, etc., provoquant des variations importantes de température et d’hygrométrie, de la poussière ;
  • travaux de réfection des sols, travaux d’électricité, etc., provoquant de la poussière ;
  • rénovation de l’électricité, de l’éclairage, de la sonorisation (modification de l’alimentation électrique de la turbine de l’orgue, réfection de l’éclairage de la tribune, pose de câbles ou de haut-parleurs sur le buffet de l’orgue, etc.) ;
  • travaux de restauration de l’édifice avec un chantier qui s’étale sur une longue période ;
  • événements particuliers tels que concerts, cérémonies, concerts, avec mise en place de matériels et dispositifs nécessitant l’accès à la tribune, etc.

Dans tous les cas :

  • lorsque ces travaux sur l’édifice sont dirigés par un maître d’œuvre (architecte, services techniques de la commune, services du diocèse), outre le propriétaire, il y a lieu d’informer le maître d’œuvre.
    Il est recommandé de suggérer au propriétaire et au maître d’œuvre de contacter un facteur d’orgues pour avoir l’avis d’un spécialiste sur les conséquences éventuelles de ces travaux sur l’instrument et les mesures de protection à prendre.
  • il est de bonne précaution de faire constater l’état de l’orgue avant et après les travaux en prenant des photos et en sollicitant le passage du facteur d’orgues chargé de l’entretien ou d’un facteur d’orgues s’il n’y a pas de contrat d’entretien.

Les travaux dans l’édifice sont annoncés et coordonnés par le propriétaire

Demander quelles sont les mesures de protection prises pour l’orgue.
La mise en place de protection de l’orgue doit être faite par un facteur d’orgues, ainsi que la dépose de cette protection. Il s’est parfois produit que la dépose de la protection provoquait plus de poussière que celle accumulée pendant les travaux !
Signaler tout problème au propriétaire de l’orgue et au clergé affectataire, de préférence par courrier.
Informer les entreprises des risques encourus pour l’instrument et leur demander qu’elles vérifient auprès de leur assureur qu’elles sont couvertes pour les éventuels dégâts qui seraient occasionnés.
A titre indicatif, pour un orgue de 20 jeux le dépoussiérage suivi de l’accord général représente en moyenne 3 à 4 semaines de travail pour deux ouvriers facteurs d’orgues.
Dans tous les cas, il est de bonne précaution de faire constater l’état de l’orgue avant et après les travaux en prenant des photos et en sollicitant le passage d’un facteur d’orgues.

Des travaux ont lieu sans que le clergé, l’organiste, l’association en aient été préalablement informés

L’organiste, l’association des amis de l’orgue ou le clergé découvrent que des travaux commencent et que l’orgue peut en souffrir au même titre que d’autres éléments et mobiliers de l’édifice :

  • signaler immédiatement la situation au propriétaire (et au clergé affectataire) en lui indiquant les conséquences sur l’instrument (poussière, dérangements sur la tuyauterie et les parties mécaniques de l’instrument, etc.) ;
  • prévenir le facteur d’orgues chargé de l’entretien de l’instrument ;
  • attirer l’attention des responsables des entreprises sur le problème.

 

Assurer l’instrument contre les sinistres

a) Orgues appartenant à une collectivité publique
Vérifier auprès du propriétaire que l’instrument figure sur la liste des biens de la collectivité ; s’il ne l’est pas, demander à ce qu’il y soit inscrit.

  • La collectivité dispose d’une assurance de ses biens immobiliers et mobiliers : lui demander que l’instrument y soit clairement identifié. Consulter un facteur d’orgues pour établir la valeur de l’instrument ainsi que le coût de remplacement en cas de destruction totale de l’orgue.
  • La collectivité ne dispose pas d’une assurance de ses biens : il est recommandé de poser le problème auprès de la collectivité propriétaire, d’examiner les risques encourus qui diffèrent d’un édifice à l’autre selon son état, son usage.

b) Orgues appartenant à une association diocésaine ou une association cultuelle
Contacter les services administratifs du propriétaire. Leur demander que l’instrument y soit clairement identifié. Consulter un facteur d’orgues pour établir la valeur de l’instrument ainsi que le coût de remplacement en cas de destruction totale de l’orgue.

 

Expertise de dégâts suite à des travaux ou à des sinistres

Plusieurs cas de figure se sont déjà présentés et parfois les assurances ont fait un appel à un facteur d’orgues pour expertiser les instruments. Le contraire s’est également produit ; lorsque l’expert désigné par la compagnie d’assurance n’a pas de compétence spécifique en la matière, il est indispensable qu’il soit en rapport avec un facteur d’orgues.
Le propriétaire peut exiger de l’assureur qu’un facteur d’orgues soit consulté. En cas de refus, il est recommandé de solliciter une contre-expertise.

Lorsqu’un litige est porté devant les tribunaux, le tribunal peut désigner un facteur d’orgues pour procéder à une expertise ; des facteurs d’orgues ont déjà été sollicités dans ce type de situation.

 

Le chauffage

Chacun sait que la chaleur monte : dans nombre d’édifices, en période de chauffage il fait cinq à quinze degrés de plus à la tribune que dans la nef. Et même si l’orgue est au sol, les parties hautes de l’orgue sont plus chaudes qu’à la console.
On ne compte plus les mésaventures, qui se répètent de semaine en semaine, par exemple là où l’on chauffe vite et fort une heure ou deux avant l’office, et dans la majorité des cas avec un chauffage à air pulsé.

Plusieurs articles ont été publiés sur le sujet. On trouvera ci-dessous les extraits d’un exposé des Ets A. BOOGAERTS, constructeurs et installateurs de générateurs à air chaud pulsé.

On croyait tout savoir sur les questions de chauffage dans les églises. Ou plutôt, on sait tout sur les questions techniques du chauffage, mais ce savoir est apparemment trop peu répandu. Pour preuve, cette mésaventure récente d’une petite église du Brabant wallon, qui décide de se doter d’un nouveau chauffage central, par convecteurs. Une fois l’installation faite, le chauffagiste fait tourner la machine à fond pendant plusieurs jours pour tester son système. Conséquence : l’orgue ne parle plus, les boiseries se fendent et la peinture des tableaux s’écaille. Si la chaleur est bien au rendez-vous, la facture à payer pour les dégâts sera aussi au rendez-vous.

Ce genre de grosse mésaventure n’arrive heureusement pas tous les jours. Par contre, il existe de petites mésaventures, qui se répètent de semaine en semaine. Par exemple, là où l’on chauffe vite et fort une heure ou deux avant l’office, et ce dans une majorité des cas avec un chauffage à air pulsé. Les conséquences sont dramatiques pour le confort de l’assemblée et le devenir du mobilier.

Pour beaucoup d’organistes et d’experts, le chauffage à air pulsé est l’ennemi juré des orgues. Ce type de chauffage est l’un des meilleurs marché et rapide d’utilisation : en une heure tout est chauffé. Cependant, des problèmes majeurs demeurent liés à ce type de chauffage, comme le confirme cette récente étude menée par l’Université de Technologie d’Eindhoven sur l’orgue de l’église wallonne de Delft : « Dégâts causés en raison de la déformation du bois suite au chauffage de l’église ». Il s’agit des problèmes causés par la stratification, le mouvement des masses d’air et les variations d’humidité.

La stratification. Un système par air chaud pulsé envoie de l’air chaud via des bouches en général placées au sol (parfois en hauteur). L’air chaud a tendance à monter et à occuper l’espace sous la voûte. Des couches d’air vont ainsi se superposer, du froid vers le chaud, du bas vers le haut, en strates. Le mobilier placé en hauteur sera donc soumis à une plus forte température ou variation de température que le mobilier au sol. Et plus on chauffe avec de l’air très chaud (60°) sur une courte période, plus la stratification agit. Elle devient un problème à partir du moment où la différence de température entre les couches basses et hautes est fort importante (si différence supérieure à 15°).

L’humidité relative. L’air contient toujours une certaine quantité d’eau. La quantité maximale que l’air peut contenir dépend en partie de sa température : plus on chauffe l’air, plus l’air prend de la place, et plus il peut contenir de vapeur. Si l’air est saturé d’eau (comme avec un vase rempli à ras bord) et que l’on continue à fournir de la vapeur d’eau, celle-ci ne pourra que se condenser sous forme de gouttelettes. On mesure l’humidité relative en degrés d’hygrométrie : c’est le rapport entre la quantité d’eau contenue et la quantité maximale que l’air peut contenir. Plus on chauffe l’air, plus l’humidité relative diminue (l’espace augmente), mais la quantité d’eau contenue reste constante.

Excès de sécheresse. L’accroissement de chaleur, nous l’avons dit, diminue l’humidité relative. Cela est en partie compensé par l’humidité dégagée par le corps humain. Mais c’est ici que l’effet le plus néfaste se fait sentir sur les boiseries. Une augmentation subite de chaleur entraîne automatiquement un assèchement. Dans certains lieux, si sur un tuyau en bois de bourdon, l’humidité relative est de 50° à l’extérieur, elle est à l’intérieur de 90°. Les fibres du bois sont soumises à une distorsion. À la longue, cela se traduit par des fissures, également dans le sommier qui supporte tous les tuyaux, par un retrait des panneaux latéraux, par des fentes dans les pièces de bois massives. Dans les soufflets, le cuir sec se déchire et provoque des fuites et des baisses de pression de l’air. Ne parlons pas de l’accord des tuyaux qui sont faux, si ils ne sont plus à la température à laquelle ils ont été accordés.

Faut-il alors humidifier l’air ? Si l’on humidifie pendant l’office, l’humidité relative augmente certes, mais dès que l’air refroidit, l’apport d’eau devient excédentaire, et se produit alors la condensation : l’air expulse l’humidité excédentaire sous forme de gouttelette. Sur les bois, bonjour les moisissures ! Sur les peintures aussi. On le voit, les problèmes surgissent lorsque l’air pulsé est très chaud, et qu’il stagne. Et quand le chauffage du lieux se fait en un temps très court. Ce sont les variations brusques de chaleur et d’humidité qui sont sources de problèmes.

 

Des facteurs d’orgues signalent à propos du chauffage à air pulsé « Les conditions environnementales influent énormément sur la tenue de l’accord des tuyaux; toute variation brutale de température est extrêmement nuisible (ne pas dépasser 1° par heure, en montée ou en descente).  Les chauffages par air pulsé peuvent réduire  la durée de vie des orgues (sans oublier l’empoussiérage du aux courants de convection de l’air »  – Bernard BAERD, facteur d’orgues

 
 
Pour en savoir plus sur les différents systèmes de chauffage et leur impact sur le bon fonctionnement de l’orgue.
http://experts-orgues.com/wp-content/uploads/2014/08/GEO_CHAUFFAGE.pdf

Dans le cas de chauffage à air pulsé, ou de diffusion d’air tempéré à faible vitesse, nombre de sociétés et de chauffagistes précisent dans leur publicité que leurs systèmes prennent en compte les spécificités des monuments historiques, des mobiliers sensibles et des orgues. Il faut noter que les préconisations fournies indiquent que le chauffage doit alors être semi-permanent, à faible vitesse, avec un contrôle en temps réel de l’humidité. Dans ce cas, le chauffage est programmé avec différentes températures selon que l’édifice est occupé ou inoccupé, et il est régulé avec des montées et descentes en température progressives et réglables (1° à 2° degrés par heure). Ce qui signifie bien que le chauffage fonctionne pendant une période assez longue et n’est pas seulement mis en route quelques heures avant un office.

Dans le cas des orgues appartenant à une collectivité territoriale, l’entretien des orgues relèvent de la collectivité conformément à la circulaire NOR/IOC/D/11/21246C du ministère de l’intérieur en date du 29 juillet 2011 qui indique « s’agissant des orgues qui étaient installés dans les édifices du culte avant la mise en vigueur des dispositions de l’article 12 de la loi du 9 décembre 1905, ils sont considérés comme des biens immeubles par destination (article 525 du code civil) et sont donc grevés de l’affectation cultuelle comme le sont les édifices dans lesquels ils sont installés. Les travaux d’entretien des orgues, comme ceux effectués sur les cloches, sont assimilés à des travaux de grosses réparations incombant à la commune propriétaire. »

Il est donc de l’intérêt des propriétaires des instruments et des édifices qui les accueillent de veiller à ce que le système de chauffage et son utilisation soient compatibles avec la préservation de l’édifice et de ses mobiliers, afin d’éviter de devoir supporter des charges importantes en cas de désordre et dégradation.

Le financement des travaux de chauffage

Une jurisprudence constante permet à la commune propriétaire de l’édifice de participer aux travaux de chauffage et d’éclairage sans que ce financement soit considéré comme une subvention illégale au culte aux termes de l’article 2 de la loi du 9 décembre 1905. En effet, ces travaux sont considérés comme des dépenses relatives à la sécurité de l’édifice, à sa maintenance et sa préservation à long terme aussi. Au titre de la conservation du patrimoine, nombre de communes prennent d’ailleurs en charge le chauffage permanent des églises afin d’assurer la bonne conservation de l’édifice et de son mobilier. Il faut cependant garder en mémoire que cette prise en charge est une faculté et non une obligation pour la commune propriétaire.

 
 

ANNEXE 1 Documentation

 

Entretenir un orgue
 https://www.orgue-en-france.org/linstrument/fiches-techniques/lentretien-dun-orgue/

Charte des organistes
 http://liturgiecatholique.fr/La-charte-des-organistes.html

Circulaire du ministère de l’Intérieur du 29 juillet 2011 (consulter la page 16)
 http://circulaire.legifrance.gouv.fr/pdf/2011/08/cir_33668.pdf

 
 

ANNEXE 2 Principes fondamentaux de liberté de religion et de libre exercice du culte

(Lois de séparation de l’Eglise et de l’Etat – 9 décembre 1905, 2 janvier 1907, 13 avril 1908 – décret du 16 mars 1906 et jurisprudence)

 

Liberté religieuse et liberté de culte en régime de séparation des églises et de l’Etat

I-1 Les fidèles et les desservants ont un titre légal pour l’exercice du culte et la pratique de leur religion au sein des édifices cultuels ; ce droit est un droit d’affectataire.
I-2 Les édifices affectés à l’exercice du culte sont à disposition exclusive des desservants et fidèles ;
I-3 Le desservant se voit reconnaitre un pouvoir discrétionnaire sur l’utilisation de l’édifice cultuel tant pour le culte lui-même qu’en dehors des cérémonies, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’édifice cultuel.
I-4 Le desservant dispose du libre choix des personnes participant à l’exercice du culte.

I-1 Titre légal et droit d’affectataire – Jurisprudence
La loi ayant voulu non d’une façon provisoire, mais définitive, mettre l’église à la disposition des fidèles, il y a là pour les fidèles et pour les ministres du culte catholique, un droit conféré par la loi, reposant sur un titre juridique, précis et limité. Ce droit est un droit d’affectataire. Le droit de l’affectataire est exclusif.
Jurisprudence : Conseil d’Etat 19 janvier 1912 – Conseil d’Etat 1er mars 1912 – Conseil d’Etat 14 février 1913 – Cour de Cassation 17 juin 1914 – Cour de Cassation 5 janvier 1921

I-2 Le desservant (affectataire) règlemente comme il l’entend l’usage du lieu de culte. La primauté de l’affectataire s’impose à la commune, à l’Etat, bien que ces derniers soient propriétaires de l’édifice et du mobilier. Loi du 2 janvier 1907 ; Jurisclasseur administratif, régime des cultes, fascicule 215, page 19.

I-3 Pouvoir discrétionnaire du desservant :

Pour définir les modalités d’organisation et d’exercice du culte ;
Conseil d’Etat 20 janvier 1913 : « tout l’ordre intérieur des édifices relève du prêtre responsable, la commune ne pouvant s’immiscer dans ce domaine ».

Pour définir les modalités d’organisation et de fonctionnement de l’édifice religieux :
Conseil d’Etat 24 mai 1938 : le desservant assure la garde et la police de l’église.
Il décide de l’utilisation de l’église et est compétent pour règlementer notamment les visites (et par voie de conséquences toutes les activités dont les concerts).

Tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’édifice.
L’église est affectée au culte, avec tous ses éléments constitutifs (chœur, nef, sacristie, tribune, clocher, porche, etc…) ; l’édifice religieux tout entier est caractérisé par cette dimension religieuse (cf. « L’Eglise catholique en régime français de séparation ; l’occupation des églises par le desservant et les fidèles » Mgr de Kerlevéo p.184 et Waline, revue de droit public t.LXVI, janvier 1950 p.172 et s.). Ne relèvent que des pouvoirs de police du maire « les cérémonies, processions et autres manifestations à l’extérieur ».

Toutefois le Conseil d’Etat a précisé énergiquement les limites des prérogatives des maires même sur ce plan (CE 1er février 1909) : il a ainsi annulé l’arrêté d’un maire qui avait interdit aux membres du clergé, revêtus de leurs habits sacerdotaux, d’accompagner à pied les convois funèbres.

En tant qu’affectataire exclusif de l’édifice en vertu de l’article 5 de la loi du 2 janvier 1907, seul le desservant a le pouvoir d’en régler l’usage, à l’exclusion des autres autorités et en particulier de la collectivité propriétaire (cf. dernièrement, CE section, 4 novembre 1994, Abbé Chalumey, Rec. CE, p.491, RFDA 1995, p.985, concl. R. Schwartz ; CE réf, 25 août 2005, commune de Massat, Rec. CE, p.386).

L’article L.2124-31 du code général des collectivités publiques, issu de l’ordonnance du 21 avril 2006, ne comporte aucune disposition venant déroger à ce principe : il exige en effet l’accord de l’affectataire pour toute utilisation et ne prévoit nullement celui de la collectivité publique.

Le Ministre de l’Intérieur et des Cultes rappelle systématiquement que l’affectation cultuelle est exclusive et permanente (réponse du Ministre à une question écrite JOQAN 14 janvier 1991, p.134 ).
Aucune manifestation non cultuelle ne peut être organisée dans une église communale sans l’accord formel des autorités religieuses locales qui restent seules juges du respect de l’affectation des lieux ; il appartient au seul affectataire de décider quelles sont les activités compatibles ou incompatibles avec le caractère cultuel du lieu (Traité du droit français des religions, p.1049).

I-4 Le desservant dispose du libre choix des personnes participant à l’exercice du culte et à l’organisation des activités compatibles qui toutes relèvent du culte et ont une dimension spirituelle ou pastorale.
Qu’il s’agisse de bénévoles ou de salariés, le desservant dispose d’un pouvoir discrétionnaire dans le choix de ses employés, collaborateurs permanents ou occasionnels, etc…
 
 

Les actes à caractère religieux qui touchent aux rites et aux pratiques cultuelles
font partie du pouvoir discrétionnaire du ministre du culte.

La jurisprudence a retenu :

  • Une notion large des actes à caractère religieux protégés en droit français (II-1)
  • Le principe de licéité des actes à caractère religieux (II.2)

II-1 Notion large des actes à caractère religieux

Les activités cultuelles ne se réduisent pas à la célébration liturgique du culte mais concernent l’ensemble des activités ayant un but cultuel (Droit canonique, Précis Dalloz, 2ème édition, P.Valdrini, JP Durand, O Echappé, J.Vernay n° 810).
En outre il appartient aux seuls ministres du culte de définir les actes qu’ils considèrent comme faisant partie de l’exercice du culte.

II-2 Le principe de licéité des actes à caractère religieux

Article 1er de la Loi du 9 décembre 1905 : « la République assure la liberté de conscience et garantit le libre exercice du culte ». Il en découle que l’exercice du culte ne peut faire l’objet d’aucune régulation publique et il existe un principe de licéité conduisant à l’absence de contrôle juridictionnel des actes religieux. (J.Carbonnier, note sous TGI Paris 29 octobre 1976, etc…)

Les décisions des autorités religieuses concernant l’exercice du culte, et les activités qui en découlent, échappent ainsi au contrôle du juge, aussi bien administratif que judiciaire (Traité de droit français des religions, n° 956).

Le ministre du culte est seul habilité à définir le caractère cultuel des actes religieux (la Cour Européenne des Droits de l’Homme exclut toute appréciation de la part de l’Etat sur la légitimité des croyances religieuses et surtout sur les modalités d’expression de celles-ci). Cette prérogative, fondée sur les lois de séparation et la liberté religieuse, est soustraite à tout contrôle. La question de sa licéité ne se pose donc pas.

 

Les apports récents de la jurisprudence

Jugement rendu le 25 avril 2007 par le Tribunal de grande instance de Paris
(Affaire Mgr Jacquin, archiprêtre de la cathédrale Notre-Dame de Paris c/ACT’UP)

Ce jugement a notamment rappelé et précisé :

Les fonctions et responsabilités du curé en tant que gardien de l’édifice et de ses mobiliers ;
La jouissance exclusive du desservant de l’édifice et des meubles le garnissant ;
Que l’occupation doit avoir lieu conformément aux règles générales d’organisation du culte ; seuls les ministres du culte sont chargés d’en régler l’usage ;
Que l’autorité publique porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de culte en autorisant une manifestation publique dans un édifice affecté à l’exercice du culte en dépit de l’opposition du desservant, seul chargé d’en régler l’usage ;
Que les pouvoirs reconnus au desservant, dont celui de police sacerdotale, ont non seulement pour objet de garantir l’ordre et la sécurité à l’intérieur de l’édifice mais aussi de veiller à la conservation de l’immeuble et de ses biens, et de faire respecter son affectation cultuelle.

 
 
Cette fiche peut être téléchargée au format PDF ici : Sécuriser et préserver un orgue